La prise en charge des maladies chroniques par les assurances santé est un sujet crucial pour de nombreux Français. Face à la complexité du système et aux enjeux financiers, il est essentiel de comprendre vos droits et les obligations légales des assureurs. Cet article vous guidera à travers les méandres de la réglementation pour vous permettre de faire valoir vos droits et d’obtenir la couverture à laquelle vous avez droit.
Le cadre légal de la couverture des maladies chroniques
La législation française encadre strictement la prise en charge des maladies chroniques par les assurances santé. Le Code de la Santé Publique et le Code de la Sécurité Sociale définissent les obligations des assureurs et les droits des assurés. Le principe fondamental est celui de la non-discrimination : un assureur ne peut refuser de couvrir une personne en raison de son état de santé.
La loi Évin de 1989 a posé les bases de cette protection, renforcée par la suite par diverses dispositions légales. Selon l’article L.1141-5 du Code de la Santé Publique : « L’accès à l’assurance contre les risques d’invalidité ou de décès est garanti dans les conditions fixées par les articles L. 1141-1 à L. 1141-3 du présent code dans le cadre des contrats couvrant les prêts ayant pour objet l’acquisition d’un logement à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, ou les prêts professionnels. »
Les obligations des assureurs envers les personnes atteintes de maladies chroniques
Les assureurs ont plusieurs obligations légales envers les personnes souffrant de maladies chroniques :
1. L’obligation d’assurance : Un assureur ne peut refuser de couvrir une personne uniquement en raison de son état de santé. Cette règle s’applique tant aux assurances complémentaires santé qu’aux assurances emprunteur.
2. L’interdiction de surprime injustifiée : Bien que les assureurs puissent ajuster leurs tarifs en fonction du risque, toute surprime doit être justifiée et proportionnée. La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) encadre ces pratiques pour les assurances emprunteur.
3. Le droit à l’oubli : Instauré en 2016 et renforcé en 2019, ce dispositif permet aux personnes ayant été atteintes d’un cancer de ne plus avoir à le déclarer à leur assureur après un certain délai (10 ans après la fin du protocole thérapeutique pour les adultes, 5 ans pour les cancers diagnostiqués avant 21 ans).
4. La continuité de la couverture : En cas de changement d’emploi ou de départ à la retraite, les assureurs doivent proposer le maintien de la couverture santé collective, conformément à l’article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale.
Les droits spécifiques des assurés atteints de maladies chroniques
Les personnes souffrant de maladies chroniques bénéficient de droits spécifiques :
1. La prise en charge à 100% : Pour les Affections de Longue Durée (ALD) listées par la Sécurité Sociale, les soins liés à la pathologie sont intégralement remboursés.
2. Le tiers payant généralisé : Les personnes en ALD bénéficient du tiers payant pour l’ensemble de leurs soins, y compris ceux non liés à leur affection.
3. Le droit à une assurance emprunteur : La convention AERAS facilite l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes présentant un risque aggravé de santé.
4. Le droit à l’information : Les assureurs ont l’obligation de fournir une information claire et complète sur les garanties proposées et les exclusions éventuelles.
Les recours en cas de litige avec l’assureur
En cas de désaccord avec votre assureur concernant la prise en charge de votre maladie chronique, plusieurs voies de recours s’offrent à vous :
1. La médiation : Chaque compagnie d’assurance dispose d’un médiateur indépendant que vous pouvez saisir gratuitement.
2. La commission de médiation AERAS : Pour les litiges liés à l’assurance emprunteur, cette commission spécialisée peut être saisie.
3. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) : Cet organisme public veille au respect des pratiques commerciales des assureurs.
4. L’action en justice : En dernier recours, vous pouvez porter l’affaire devant les tribunaux. Le délai de prescription pour les actions dérivant d’un contrat d’assurance est de deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Les évolutions récentes et perspectives futures
La législation en matière d’assurance santé et de prise en charge des maladies chroniques évolue constamment. Parmi les changements récents et les perspectives futures, on peut citer :
1. L’extension du droit à l’oubli : En 2022, le délai a été réduit à 5 ans pour certains cancers et pathologies chroniques.
2. La réforme du 100% santé : Cette réforme vise à améliorer l’accès aux soins dentaires, optiques et auditifs pour tous, y compris les personnes atteintes de maladies chroniques.
3. Le développement de la télémédecine : La prise en charge des consultations à distance par les assurances complémentaires facilite le suivi des maladies chroniques.
4. L’harmonisation européenne : Des discussions sont en cours pour harmoniser les pratiques au niveau européen, notamment concernant la portabilité des droits en cas de mobilité transfrontalière.
Maître Jean Dupont, avocat spécialisé en droit de la santé, commente : « Les avancées législatives récentes témoignent d’une volonté de renforcer la protection des assurés atteints de maladies chroniques. Néanmoins, la vigilance reste de mise car certains assureurs peuvent tenter de contourner ces obligations. Il est crucial pour les assurés de bien connaître leurs droits et de ne pas hésiter à les faire valoir. »
En tant qu’assuré atteint d’une maladie chronique, vous disposez de droits étendus et de protections légales solides. La connaissance de ces droits et des obligations des assureurs est votre meilleur atout pour obtenir une couverture santé adaptée à votre situation. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel du droit ou une association de patients pour faire valoir vos droits si nécessaire. La santé est un droit fondamental, et la loi veille à ce que les maladies chroniques ne soient pas un obstacle à une couverture d’assurance équitable et complète.